1. Païni, D. (2008).
Pourquoi expose-t-on le cinéma ?





















2. Pavis. P (2012).
Le point du vue du spectateur






























3. Ibid, Dominique Païni.


























4. L.G  (2023, 5 novembre).
Pourquoi est-on autant captivé
par les écrans ? Science et vie.




























5. Gélinas, D. (2014, 25 septembre). Le sensorium synthétique : réflexion sur l’utilisation de l’expographie immersive numérique et muséale.



6. Bapst, G. (1891) Essai sur l’histoire des panoramas et des dioramas.































7. De Bideran, J., & Roland, A. (2021).
Promesses et limites de l’immersion.
La Lettre de l’OCIM, 198, 10‑15













8. Bindé, J. (2019, 16 octobre).
La fièvre de l’art immersif. Beaux Arts




9. Lescop, L. (2018, 29 septembre). Topologies de l’immersion.






Article 2, problématique

 


Dans le premier article, nous avons analysé deux expositions qui s'inspirent de l'expérience vécue dans une salle de cinéma, que nous avons nommée l’expérience cinématographique. Pour débuter cet article, nous allons définir ce qu'est l’expérience cinématographique et en établir des critères. Comme nous l'avons souligné précédemment, l'expérience cinématographique est une immersion unique vécue dans le cadre de la salle de cinéma. Elle se distingue par sept critères spécifiques : une projection vidéo sur une grande surface, une dimension sonore synchronisée à l’image, une narration qui dicte la temporalité de l'expérience, un spectateur assis et passif, ainsi qu'une dimension collective de l'expérience. 

Mais ces critères, propres à l’expérience de la salle de cinéma, sont-ils réellement compatibles avec un contexte d’exposition ? L’intention d’une exposition n’est pas de reproduire littéralement l’expérience cinématographique, cela serait superflu de simplement déplacer une salle de cinéma dans un espace d’exposition. Elle cherche plutôt à intégrer certains éléments.



Reprenons l’exemple de Pompéi au Grand Palais, l’exposition fait vivre l’éruption de Vésuve grâce à de la vidéoprojection sur une grande surface avec une dimension sonore synchronisée à l’image. L’animation dure quelques minutes et crée ainsi une expérience collective. La majorité des critères établis sont présents mais seulement durant un court moment de l’exposition, celui de l’éruption. Finalement, un seul critère est absent, celui de la position assise. Ici dans l’exposition, le visiteur est libre de décider de sa posture.

L’expérience proposée durant ces quelques minutes se compare à celle de l’expérience cinématographique, on y retrouve des critères communs.

Mais cette recherche d’expérience cinématographique par les institutions culturelles est-elle fructueuse ? L’expérience cinématographique peut-elle enrichir une exposition ou, au contraire, cette hybridation brouille-t-elle le message d’exposition ? Dans ce deuxième article, nous allons nous interroger sur l’idée que l’expérience cinématographique peut créer une nouvelle narration d’exposition.

Cette forme d’approche hybride produit une oscillation entre les figures de visiteur et de spectateur. La forte présence de vidéo engage une posture différente pour le visiteur. Mais comment pouvons-nous définir cette nouvelle posture du visiteur d’exposition ? Dans de nombreux articles et écrits, les deux mots sont parfois utilisés et se mêlent sans que l’auteur ne cherche à faire un choix. Certains même, comme Dominique Païni1, imbriquent les deux mots et parlent de visiteur-spectateur. Dans la première partie de cet article, nous allons nous interroger sur ce changement de posture et sur leurs avantages à préserver.
Dans un second temps, nous allons nous questionner sur ces nouvelles expositions immersives. Très en vogue en ce moment, ces expositions proposent des expériences pouvant se comparer à la définition que nous avons faite de l’expérience cinématographique. Comme nous avons pu le voir dans le premier article, certaines personnes sont très critiques sur ce format d’exposition, comme Nicolas Ungemuth pour l’exposition Pompéi expliquant qu’il est plus intéressant de regarder un documentaire que de voir une exposition faite de vidéos. Ainsi, nous allons essayer de comprendre ce que peuvent apporter ces expériences immersives qui s’appuient sur l’utilisation de la vidéoprojection.


Partie 1, visiteur et spectateur


Être visiteur et être spectateur sont deux états distincts engageant des postures corporelles différentes.
Le visiteur est une personne se rendant dans un lieu pour le découvrir. Un spectateur est une personne qui regarde, observe un événement sans intervenir, sans s'impliquer. Dans ces deux définitions, nous pouvons voir que le visiteur à une posture libre, libre de déambuler en fonction de ses désirs. Contrairement au spectateur, qui lui se voit imposer une posture passive et très souvent assise. Il doit se mettre lui-même corporellement en retrait pour laisser la place à ce qu’il regarde. Mais le corps du spectateur est le seul élément passif, mentalement celui-ci se voit être actif, voir réactif comme l’exprime Patrice Pavis dans un article sur le point du vue du spectateur2.
En effet, la passivité physique du spectateur lui permet de laisser de la place à sa pensée. Le spectateur interprète, interroge, analyse, s'identifie, intellectualise ce qu’il lui est montré. Il concentre toute son énergie à ce qu’il voit. Ainsi, il est capable de vivre des émotions fortes. En étant visiteur, il est peut-être plus difficile de vivre des émotions aussi fortes. Dans sa liberté, le visiteur se retrouve parfois très autonome. La liberté est vue comme un élément positif, mais rattachée au design d’exposition, il ne faut pas trop en abuser. Prenons l'exemple de la partie peinture française du XVIIe - XVIIIe siècles au Louvre, cet espace est conçu comme une exposition d’accrochage : des tableaux présentés avec leur cartel (indiquant le nom de l’artiste, le titre et l’année) et un parcours libre. Sans parcours imposé, sans texte d'explication, le parti pris de ce type d’exposition est de laisser le visiteur libre de sa découverte mais en assumant le fait que de nombreux visiteurs peuvent se sentir délaissés et perdus s’ils disposent de connaissances limitées sur le sujet. Dans un contexte comme celui-ci, il est plus difficile de s'imprégner de ce que nous découvrons.

Un autre aspect important à considérer est celui de la temporalité. En tant que spectateur, notre expérience est délimitée par une durée précise : le temps d’un événement, d’un spectacle, d’un phénomène. C’est ce que nous regardons qui va guider notre temporalité. Au contraire, lorsque nous sommes visiteurs, c’est nous qui décidons combien de temps dure notre découverte d’un lieu.
Pour certaines personnes, regarder un tableau c’est devenir spectateur de cette œuvre d’art. Certes, face à une œuvre, nous pouvons nous retrouver subjugués par ce que nous voyons, en nous mettant en position simple d’observateur. Mais la temporalité de cette observation dépend encore de nous.

Dans les définitions que nous venons d’apporter, il y a trois éléments qui différencient le visiteur et le spectateur qui sont intéressants à soulever : la temporalité, la posture physique et les émotions suscitées. Ce sont ces éléments qui sont aujourd’hui significatifs dans les changements de posture entre visiteur et spectateur dans les expositions.
Dans un de ses textes, Dominique Païni dit : “Devant une projection installée dans un musée, le visiteur n'a pas l'obligation d'une vision bloquée telle que celle du spectateur ordinaire de cinéma. Il bouge et se promenant, il élargit sa vision de l'image à la mesure de sa plus ou moins grande proximité de l'écran. De véritables travellings avant ou arrière sont opérés par le visiteur-spectateur lui-même et se conjuguent avec les mouvements internes de l'image projetée.”3 Il compare même le visiteur-spectacteur à un flâneur. Un terme qui peut paraître un peu négatif car, dans sa définition, un flâneur déambule sans but précis. Mais, dans cette comparaison, Dominique Païni cherche à montrer la fluidité et la facilité de la transition entre la posture de visiteur et de spectateur.

Ce changement de posture, de visiteur à spectateur, dans les expositions s’est intensifié avec la démocratisation de l’utilisation du médium vidéo. Avant, dans les musées, il était rare de voir sa posture se transformer aussi radicalement, sauf cas exceptionnel avec des programmations de performances d’artistes par exemple.

La vidéo dans les expositions s’est, dans un premier temps, développée au cours des années 1970 et 1990 avec les œuvres d’arts vidéos. C’est donc d’abord à travers des œuvres d’arts expérimentales que le visiteur a pu tester ce changement, comme avec celles de Nam June Paik ou Bill Viola. L’arrivée des expositions sur le cinéma a renforcé l’usage de la vidéo, en mettant en avant des extraits de film.
Certaines institutions ont parfois poussé le changement de posture à l’extrême en créant des salles de cinéma dans leur exposition. C’est le cas par exemple, dans le spectaculaire musée Train world à Bruxelles, mais aussi au Centre belge de la bande dessinée ou encore dans l’exposition Bollywood Superstars. Des petites salles de cinéma sont reconstituées mettant le visiteur dans la posture du spectateur de cinéma. L’expérience cinématographique est presque complète, à un détail près : la temporalité.  Les vidéos, souvent des documentaires ou des extraits de films, sont projetées en boucle. Les spectateurs décident de la durée de leur séance de cinéma. 
A côté de cela, certains artistes ont cherché à questionner cette ambiguïté liée à la posture du visiteur en allant parfois encore plus loin, en lui ajoutant une nouvelle posture : celle d’acteur. 

Prenons l’exemple de l’installation de 1993 de Paul Sermon, Telematic vision. Cette installation se compose de deux canapés placés dans des lieux distincts, deux téléviseurs et deux
caméras qui transmettent en direct. Dans un musée, les visiteurs découvrent
cette installation, s’y installent et se transforment en spectateurs de l’image
qui leur est transmise sur le moniteur devant eux. Cette image est en réalité
la transcription vidéo en direct de l’autre canapé qui, comme eux, voit des
visiteurs se mettre en position de spectateur. Puis, les spectateurs se
rendent compte qu’eux aussi sont visibles dans le téléviseur. Grâce à une
incrustation vidéo, ils sont eux aussi présents sur le canapé à côté d'inconnus. De visiteurs à spectateurs, ils deviennent le temps d’un instant acteurs de l’installation de Paul Sermon.

Cette hybridation de posture dans une exposition a donc d’abord été interrogée à travers des installations artistiques. Puis certains commissaires d’expositions et scénographes ont su s’en inspirer pour créer des dispositifs de médiation. Par exemple, la Cité des sciences a mis en place dans son exposition Jean un dispositif où le visiteur pouvait lui-même devenir mannequin en faisant semblant de défiler sur un fond vert avec une retranscription en direct sur un écran.
L’exposition Bollywood superstars au musée du Quai Branly a utilisé le même dispositif en permettant aux visiteurs de se retrouver dans une danse bollywoodienne. Un dispositif ludique et intéractif, ces institutions cherchent à travers cette installation à intégrer le visiteur dans son exposition. Mais ce genre de dispositif a peu d’intérêt dans la transmission du message de l’exposition, il a surtout un rôle de divertissement.

Nous pouvons donc voir que la posture du visiteur a énormément évolué. Cette posture interroge les institutions culturelles qui sont toujours à la recherche de nouvelles façons d’exposer en cherchant à tout prix à captiver le visiteur. Aujourd’hui, l’expérience du visiteur est un élément primordial qui prend même parfois plus de place que le contenu d’une exposition.
Les institutions culturelles ont aussi compris que la vidéo est aujourd’hui un médium apprécié par le grand public et cela pour plusieurs raisons.
La vidéo a ce pouvoir naturel d’attirer notre œil. Dans une étude menée par des psychologues4, il est exposé que la combinaison de la lumière, du mouvement et du son constitue les trois éléments qui attirent notre attention.

De plus, nous sommes de plus en plus habitués à être face aux écrans alors, dans les expositions aussi, nous en demandons. La vidéo est vue dans les expositions comme un divertissement, un médium plus facilement accessible que du texte par exemple.
La vidéo impose aussi un changement de rythme qui dynamise une exposition. En effet, le changement de posture de visiteur à spectateur entraîne une certaine dynamique car le visiteur est stimulé.

Reprenons l’exemple de l’exposition Pompéi, lors de la reconstitution de l’éruption en vidéo, le visiteur se voit quelques instants devenir spectateur puis revenir à sa déambulation de visiteur. Ce court instant donne un rythme à l’exposition qui permet aux visiteurs de ne pas installer un parcours routinier.
Il y a, dans ce style de dispositif, une posture spéciale et intéressante à exploiter, une posture qui plonge le visiteur-spectateur dans une expérience immersive. Un mot très à la mode en ce moment, dont de nombreuses institutions se servent pour séduire une clientèle, en particulier les jeunes. Mais pourquoi l’immersion fonctionne-t-elle auprès des publics ? Et surtout, quels sont les avantages et les limites de l'immersion par la vidéoprojection ?




Partie 2, l’immersion


L’immersion est une notion importante à traiter dans ce sujet. Dans l’expérience cinématographique que nous avons décrit, c’est notre capacité à nous immerger mentallement dans le film que nous voyons qui va nous permettre de vivre et ressentir beaucoup d’émotions. Ainsi, nous allons voir que les expositions ont elles aussi cherché à trouver leur type d’immersion.

Dans un premier temps, nous allons définir cette notion d’immersion.
L’immersion dans les musées se définit par le fait d’immerger, de plonger corporellement et mentalement, le visiteur dans un autre lieu, une autre époque. C’est éprouver la sensation d’être ailleurs pendant quelques instants.

Dans un article sur l’immersion dans les expositions, Dominique Gélinas, doctorante en Ethnologie et patrimoine à l'Université Laval, nous expose les définitions de professeurs d’université : “Alison Griffiths définit l’immersion comme « la sensation d’entrer dans un espace qui est identifié immédiatement par lui-même, comme quelque chose qui se sépare du monde et [qui incite] les spectateurs à la faveur d’une participation plus corporelle dans l’expérience, permettant au spectateur de bouger librement dans l’espace à voir. Pour Stephen Bitgood, professeur en psychologie qui a notamment étudié les publics muséaux, l’immersion décrit la « capacité de l’élément exposé à engager, absorber, intéresser le visiteur, ou le degré auquel il parvient à créer les conditions d’une expérience intense. »”5
L’immersion, très bien définie par ces deux auteurs, amène donc une expérience singulière qui engage aussi bien mentalement que physiquement le visiteur. C’est ce facteur en plus, la participation corporelle, qui emporte le visiteur dans l'expérience immersive d’un espace.

Dans un essai6 de 1891 sur les panoramas, Germain Bapst, érudit français, écrit : « Lorsqu’on voit un tableau, quelque grand qu’il soit, renfermé dans un cadre, le cadre et ce qui entoure le tableau sont des points de repère qui avertissent que l’on n’est pas en présence de la nature, mais de sa reproduction. Pour établir l’illusion, il faut que l’œil, sur quelques points qu’il se porte, rencontre partout des figurations faites en proportion avec des tons exacts et que, nulle part, il ne puisse saisir la vue d’objets réels qui lui serviraient de comparaison : alors qu’il ne voit qu’une œuvre d’art, il croit être en présence de la nature. Telle est la loi sur laquelle sont basés les principes du panorama »
Les panoramas, ici décrits par l’auteur, sont des fresques trompe-l'œil peintes dans un espace circulaire. 

Cette volonté de transporter le visiteur dans un environnement distinct de celui dans lequel il réside, a donc déjà existé. Il est intéressant de souligner, que ces panoramas doivent être des trompe-l'œil parfaits. Aucun objet de taille réelle ne doit entraver les perspectives de la fresque. À l’époque, les trompe-l'œil étaient réalisés en peinture, aujourd’hui nous pouvons faire la comparaison avec, par exemple, les expositions que propose l’Atelier des lumières avec des vidéoprojections en 360°.

À côté des panoramas, les institutions culturelles ont, elles aussi, cherché à immerger le visiteur à travers des espaces grâce aux dioramas et aux period rooms.
Un diorama est un dispositif de mise en situation, souvent de petite taille et utilisé dans les musées d’histoires naturelles. Une period room est une mise en scène d’espace historique dans le musée, comme les chambres et salons au château de Versailles.
À travers ces reconstitutions, les expositions cherchent à se théâtraliser. Terme qui s’est développé dans les années 2000/2010, comme en témoignent les articles et écrits de cette période. Les expositions font évoluer leur scénographie en proposant de nouvelles façons d’exposer : à travers des mises en scène, des décors et des parcours d’expositions racontant des histoires, l’exposition s’inspire du théâtre.

A travers cette théâtralisation, les expositions cherchent à mettre le visiteur face à une réalité artificielle. Grâce à ces reconstitutions, il visualise et assimile plus facilement ce qu’il lui est exposé. Par exemple, le visiteur peut se sentir immergé au XVIIIe siècle grâce à des reconstitutions de salons. Cette expérience crée un effet spectaculaire transportant le visiteur dans une toute autre époque.
Au début des années 2000, la scénographie d’exposition a évolué dans une nouvelle ère, celle de raconter des histoires en les reconstituant. Aujourd’hui, peut-être que la scénographie évolue encore pour entrer dans une ère où la vidéo et le numérique deviennent les outils de narration principaux qui créent des expériences encore plus spectaculaires. Pouvons-nous dire que l’exposition, pour suivre l’évolution de la société, va plus loin que se théâtraliser, elle se cinématographie ?
Après avoir exposé à travers des mises en scènes et des reconstitutions de décors comme au théâtre, les expositions font passer leur message au moyen d’une expérience autrement immersive grâce à de la vidéoprojection, au son et une expérience collective.

L’expérience immersive, que proposent aujourd’hui de nombreuses institutions culturelles, possède divers avantages.
Dans un premier temps, l’immersion permet d’accroître nos sensations, nos émotions. Voir les choses en grand, en couleurs, en mouvement et se sentir petit à côté permet de ressentir plus de choses. La vidéoprojection est un outil propice à cette immersion, comme l’exprime Jessica de Bideran et Antoine Roland à propos de l’exposition Cités Millénaires de l’Institut du monde arabe : “ La proximité des écrans contribue à submerger le visiteur dans un flux de sensations sonores et visuelles qui rend palpable la violence de ces territoires.”7
Faire susciter des émotions fortes aux visiteurs leur permet de retenir ce qu’ils ont vu. Nous retenons plus de choses qui nous ont émus ou choqués. Dans ce même article, les auteurs expliquent : “À la faveur de l’immersion, l’expérience de visite peut être source d’émotions : peur, empathie, en­chan­tement, rêverie, etc. L’intériorisation de telles sensa­tions mobilise l’intelligence émotionnelle des publics de façon marquante et les conditions d’apprentissage y paraissent particulièrement stimulées par l’expérience qu’éprouvent ces derniers”

Un autre avantage est que l’immersion permet souvent une entrée dans le message de l’exposition plus accessible. Il est plus facile de comprendre lorsque nous voyons, écoutons, vivons ces choses. Prenons une nouvelle fois l’exemple de l’exposition Cités millénaires, il est plus compréhensible pour le grand public de comprendre la reconstruction de la ville d’Alep par une vidéoprojection, de grande taille, montrant l’évolution des travaux grâce à une reconstitution 3d qu’en regardant des plans d’architecte exposé sous un cadre.

Pour finir, l’immersion, et en particulier l’immersion conçue par la technologie, permet aux visiteurs de pouvoir vivre des expériences singulières et spectaculaires. C’est ce qu’ont ressenti les visiteurs de Pompéi lorsqu’ils ont virtuellement vécu l’éruption du Vésuve. Les visiteurs vivent des événements qu’ils ne vivraient pas en réalité.
“Grâce à ces technologies immersives, tout devient possible. Pour le spectateur, l’art est plus que jamais un moyen de s’évader du quotidien et d’éprouver des sensations. D’abord parce que la présence du son et des images est si grande et enveloppante qu’elle en impose au visiteur ; ensuite parce qu’elle le déstabilise, le poussant à interroger la frontière entre réel et virtuel.” Dans un article8, le magazine Beaux Arts questionne la puissance de l’immersion. 
Les dispositifs immersifs ont cette particularité d’être un moyen de présentation fort, qui suscite parfois des émotions très puissantes. Mais en cherchant à produire des émotions toujours plus fortes, les expositions immersives ne risque-t-elle pas d’appauvrir leur propos ? Dans un écrit sur les différentes topologies9 d’immersion, Laurent Lescop explique que la notion d’immersion a permis de faire évoluer les expériences du visiteur et qu’aujourd’hui les conditions et les circonstances de diffusion d’un message d’exposition sont aussi importantes que le message lui-même.

Cependant, comme nous l’avons mentionné dans le premier article, il arrive parfois que l’immersion dépasse le contenu et noie le propos d’une exposition. C’est la critique qui revient le plus pour l’Atelier des lumières. Leur exposition ne s’appuie que sur sa dimension esthétique, avec des images en mouvement qui possèdent un contenu culturel pauvre.


Conclusion


En définissant les critères de l’expérience cinématographique, nous avons pu voir qu’aujourd’hui plusieurs expositions s’en inspirent pour créer des nouvelles expériences et que ces expositions se qualifient souvent comme immersives.
L’expérience cinématographique et la notion d’immersion sont étroitement liées puisque la salle de cinéma est un moment où nous sommes immergés dans le film projeté que nous regardons. Une expérience cinématographique est immersive, mais une exposition prétendant être immersive n’est pas forcément liée à l’expérience de la salle de cinéma.

Dans un contexte d’exposition, le principe d’immersion par la vidéoprojection possède plusieurs qualités mais un point négatif important, celui de sa superficialité comme nous venons de voir.
Il peut être intéressant de trouver une nouvelle narration d’exposition qui donnerait naissance à une expérience singulière : une hybridation entre l'exposition et l'expérience cinématographique.
Cependant, le défi réside dans le mélange des deux. Il est intéressant de préserver la richesse culturelle d’une exposition classique tout en s’emparant de la richesse émotionnelle de l’expérience cinématographique. Ce mélange peut créer une synergie puissante et dynamique afin de réaliser une exposition avec une narration captivante.



© Tous les dessins de ces articles sont des productions personnelles.